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ConflitsMoyen-Orient

Pourquoi Israël ne peut pas "éliminer" le Hamas

13 décembre 2023

Selon plusieurs experts, les opérations militaires d'Israël peuvent affaiblir le Hamas mais pas le détruire.

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Des Palestiniens tentent de s'extirper de décombres après un bombardement israélien à Rafah (photo du 12 décembre 2023)
L'armée israélienne peut détruire des infrastructures et des hommes, mais pas l'idéologie du Hamas, populaire auprès de Palestiniens de la bande de GazaImage : Hatem Ali/AP/picture alliance

Israël l'a annoncé: son objectif est d' "éliminer" le mouvement terroriste palestinien du Hamas. Les opérations militaires du gouvernement israélien peuvent sans doute affaiblir son ennemi dans la bande de Gaza… mais venir à bout du Hamas sur le plan idéologique est selon les experts, quasiment impossible pour l'Etat hébreu.

Israël vise la "victoire" sur le Hamas

De nombreux messages sont diffusés sur les télévisions israéliennes, qui assurent les téléspectateurs d'une victoire prochaine sur le Hamas.
D'ailleurs, l'armée israélienne pilonne la bande de Gaza depuis l'attaque terroriste du 7 octobre, date à laquelle des combattants du Hamas se sont infiltrés en Israël pour s'en prendre à des civils.

L'Etat hébreu a également lancé depuis des opérations militaires au sol et il bloque l'approvisionnement en eau et en énergie de ce territoire palestinien qui compte plus de deux millions d'habitants.

Mais une " victoire" définitive d'Israël sur le Hamas est-elle possible ? Non, de l'avis de nombreux connaisseurs de la région.

Colonne de soldats israéliens à bord de véhicules militaires (photo du 11 décembre 2023)
L'armée israélienne préparant son entrée à Gaza, en début de semaineImage : Amir Cohen/REUTERS

Un mouvement enraciné dans la société

Guido Steinberg, expert du Hamas à l'Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité, explique que le mouvement est très enraciné dans la société gazaouie :

"Le Hamas n'est pas seulement une organisation militante de 20 à 30 000 combattants, rappelle-t-il. C'est aussi un mouvement social qui compte de nombreux adeptes dans la bande de Gaza. Ce qui va poser problème le jour où la guerre s'arrêtera".

Rashid Khalidi, professeur d'Etudes du monde arabe contemporain à la Columbia University de New York, écrivait dès fin octobre dans le journal espagnol El País que le Hamas était "une institution, une structure politique, religieuse et culturelle", en plus d'être un groupe armé.

Le Hamas ne reconnaît pas l'Etat d'Israël et il pense que tout gouvernement palestinien pourrait être fondé sur la religion. Mais ce qui le rend le plus populaire, c'est sans doute son auto-proclamation comme mouvement de résistance à l'occupation, par Israël, des territoires palestiniens et de la bande de Gaza.

Tsahal au rang 18 sur 145 des armées du monde

Israël dispose d'une des armées les plus puissantes au monde : elle se place à la 18è place sur 145 au classement mondial 2023 des forces armées publié par le Global Firepower. A titre de comparaison, l'Allemagne se situe à la 25è place.

Et l'année dernière, l'Etat hébreu a consacré 4,5% de son PIB à la défense – soit plus que les Etats-Unis (3,5%) et l'Allemagne (1,4%), selon l'Institut de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).

Mais les opérations militaires menées par la branche armée du Hamas s'apparentent davantage à une guérilla qu'à une guerre traditionnelle.

La plupart de ses armes entrent d'ailleurs clandestinement dans la bande de Gaza.

Le problème de la guerilla 

Le gouvernement israélien affirme avoir tué entre 5.000 et 7.000 combattants du Hamas. Des chiffres difficiles à vérifier mais qui, s'ils s'avèrent, pourraient constituer un succès partiel de l'armée israélienne. Partiel car lors des conflits précédents, en 2009, 2012, 2014 et 2021, le Hamas a réussi à se réarmer et à reconstituer ses rangs, quelles que soient les pertes que lui avait infligées Israël. 

Très peu d'armées nationales ont réussi à vaincre de manière décisive des organisations de guérilla dans le passé.

Les efforts déployés par les États-Unis contre les talibans en Afghanistan et les groupes d'insurgés en Irak sont autant d'exemples d'échecs cuisants, après des années de guerre et des victimes civiles qui se comptent par dizaines de milliers.

Israël n'est ainsi jamais parvenu à bout du Hamas, en dépit de plusieurs assassinats ciblés, dont ceux de deux fondateurs du mouvement, comme le souligne

Justin Crump, expert en terrorisme et directeur de Sibylline Ltd, une société de conseil en matière de renseignement et d'analyse des risques à l'échelle mondiale, estime que "la mission que s'assigne Israël consistant à vouloir détruire le Hamas n'a aucun sens d'un point de vue militaire. Les militaires peuvent éliminer les dirigeants. Ils peuvent détruire les installations de lancement de missiles. Mais ils n'élimineront pas l'idée du Hamas."

Un Palestinien pleure devant des corps emballés dans des sacs mortuaires portant des inscriptions en arabe (photo du 12.12.23)
La plupart des victimes sont des civils, dans la bande de GazaImage : DW

Destruction ne veut pas dire déradicalisation

Environ 61% des victimes de la guerre en cours dans la bande de Gaza sont des civils, plus de la moitié des bâtiments ont été détruits et 90% de la population gazaouie est maintenant déplacée, d'après Yagil Levy, professeur de sociologie à l'Université ouverte d'Israël cité par le quotidien israélien Haaretz.

Et rien n'est moins sûr que ce que prétend le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, quand il affirme que ce carnage permettra la "déradicalisation" de Gaza.