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ConflitsAllemagne

Recrudescence des actes antisémites en Allemagne

Sandrine Blanchard | Peter Hille
29 novembre 2023

En Allemagne, les actes antisémites ont augmenté depuis la reprise des hostilités au Proche-Orient : chaque jour, une trentaine de cas sont signalés en moyenne.

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Gros plan sur une pancarte brandie lors d'une manifestation pro-Israël à Munich : "L'antisémitisme, c'est maintenant". Un drapeau israélien en arrière-fond
Des manifestations sont organisées régulièrement ces dernières semaines pour protester contre l'anti-sémitisme. Ici: manifestation à MunichImage : Stefan Puchner/dpa/picture alliance

Depuis l'attaque terroriste du Hamas sur Israël, le 7 octobre dernier, suivie par une offensive de Tsahal sur la bande de Gaza, le conflit a aussi des conséquences dans le reste du monde.

En Allemagne, les actes antisémites ont augmenté fortement depuis la reprise des hostilités au Proche-Orient : chaque jour, une trentaine de cas sont signalés en moyenne – qui vont de simples graffitis à des agressions physiques brutales. 

La "haine des juifs"

"Judenhass". Ce mot composé désigne en allemand la "haine des juifs". Un phénomène qui reprend de la vigueur en Allemagne, d'après la Fédération de recherche et d'information sur l'antisémitisme (Rias).

Entre l'attaque d'Israël par le groupe terroriste Hamas, le 7 octobre, et le 9 novembre, date de commémorations historiques importantes en lien notamment avec les crimes du régime nazi, la Rias a enregistré 994 incidents hostiles aux juifs dans le pays.

Cela représente une moyenne d'environ 30 cas par jour, soit quatre fois plus que la moyenne de l'année dernière.

Dans 59 des cas recensés, des juifs ont rapporté avoir été agressés dans leur environnement quotidien.

Les mythes obscurs derrière l'antisémitisme

L'artiste Cyrus Overbeck milite depuis des années contre l'antisémitisme et l'extrême-droite, à Duisburg. Plusieurs fois, il a dû porter plainte contre des néonazis.

Il raconte que récemment, un tas de tracts représentant le drapeau israélien a été déposé devant son atelier avec l'inscription : "Piétinez ce drapeau, crachez dessus, brûlez-le : Free Palestine". 

" Et il y avait là un homme très agressif qui portait un keffieh et m'insultait, rapporte l'artiste. […] Je suis allé à la police. On ne sort plus de chez nous que pour faire les courses."

Du graffiti à l'aggression brutale

La Rias a enregistré au total trois cas de "violence extrême". Parmi eux, l'incendie criminel d'un centre communautaire berlinois. Deux inconnus cagoulés ont lancé des cocktails Molotov en direction du centre qui abrite, outre une synagogue, une crèche et des locaux scolaires.

La Rias fait également état de 29 agressions, 32 menaces et 72 dégradations ciblées. Dans 854 cas, la fédération parle de "comportement blessant".

Les autorités enregistrent également une forte augmentation des incidents antisémites depuis le 7 octobre : 680 délits antisémites ont été signalés à l'Office fédéral de la police criminelle (BKA) depuis lors.

Contrairement aux autorités, la Rias documente également les incidents qui ne sont pas des délits, ainsi que les délits potentiels qui ne sont pas dénoncés. Toute personne victime de haine envers les juifs peut s'adresser à sa hotline. La Rias tente de vérifier les signalements et fournit un soutien aux personnes concernées.

L'antisémitisme comme ciment entre plusieurs courants politiques

La  structure dresse également la liste des motivations politiques derrière les incidents signalés.

Daniel Poensgen est le porte-parole scientifique de la Rias. Selon lui, le point important, est la manière dont ces agressions sont rapportées, si elles font l'objet d'une récupération politique qui permet à certaines personnes de laisser libre cours à leurs propres réflexes antisémites jusqu'alors enfouis : 

"Nous constatons régulièrement lors de rassemblements que l'antisémitisme sert en quelque sorte d'idéologie passerelle et qu'il rassemble des personnes issues de familles politiques très différentes, explique-t-il. Il peut donc arriver que des personnes qui se situent en fait à gauche manifestent avec des islamistes et peut-être aussi avec des extrémistes de droite comme les partisans des Loups gris".

Le Conseil central des juifs d'Allemagne a qualifié le rapport de la Rias de "choquant". Mais ces chiffres correspondent aux expériences relatées par de nombreux membres de la communauté juive d'Allemagne.

Dans un communiqué, le Conseil central des juifs d'Allemagne évoque par ailleurs le cas de Gil Ofarim. Ce musicien a accusé d'antisémitisme les employés d'un hôtel de Leipzig pendant deux ans. Il vient d'avouer devant un tribunal qu'il avait tout inventé.

Le musicien Gil Ofarim lors de son procès
Le musicien Gil Ofarim a reconnu avoir faussement prétendu avoir été victime d'antisémitisme dans un hôtel de LeipzigImage : Hendrik Schmidt/dpa/picture alliance

En réaction, le Conseil central des juifs d‘Allemagne rappelle qu'"il est juste, en cas d'accusation d'antisémitisme, d'être du côté de la personne qui se dit victime, de l'assister et de ne pas remettre en question, dans un premier temps, l'expérience" de l'antisémitisme qu'elle affirme avoir vécue. A l'inverse, de telles accusations sont trop graves pour être portées à la légère.

Risques d'attentats

Les services de renseignements intérieurs allemands (BKA) mettent en garde contre un risque accru d'attaques terroristes en lien avec le conflit entre Israël et le Hamas.

Le BKA confirme lui aussi la hausse des "actes motivés par l'antisémitisme" depuis l'attaque du Hamas sur Israël. 

Sur 680 délits à caractère antisémites enregistrés ces dernières semaines, 550 auraient un lien avec ce conflit au Proche-Orient. La délinquance antisémite est aussi en hausse sur Internet. 

La ministre de l'Intérieur, Nancy Faeser (SPD) met en garde contre une utilisation du conflit par les milieux islamistes en Allemagne

Fin octobre, les services du BKA avaient déjà publié un rapport dans lequel ils estimaient que le risque d'attentat était plus élevé que d'ordinaire en Allemagne, du fait de la résurgence du conflit israélo-palestinien.

Le BKA a notamment mis en garde les compagnies aériennes européennes contre de possibles attaques.