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La guerre du gaz a commencé

Jean-Michel Bos27 août 2009

L'Europe cherche à moins dépendre du gaz russe. Après Desertec la semaine dernière, nous nous intéressons cette semaine au projet de gazoduc Nabucco, concurrent direct du projet germano-russe Nord Stream

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L'Europe ne veut plus pâtir des coupures de gaz que la Russie impose à l'Ukraine
L'Europe ne veut plus pâtir des coupures de gaz que la Russie impose à l'UkraineImage : picture-alliance/ dpa

Un quart du gaz consommé en Europe provient de Russie, dont 80% passe par l’Ukraine. C’est donc dans le but de réduire cette dépendance que le 13 juillet dernier, les pays partenaires du projet Nabucco (l’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Turquie, auxquels s’est jointe l’Allemagne) ont signé un accord intergouvernemental par lequel ils se sont entendus pour lancer la construction de ce gazoduc censé être opérationnel d’ici 2014. La construction ne devant pas débuter avant 2011. Le gazoduc devrait permettre d’acheminer le gaz d’Asie centrale et du Moyen-Orient en contournant la Russie via la Géorgie et la Turquie.

Signature de l'accord sur Nabucco, le 13 juillet dernier á Ankara
Signature de l'accord sur Nabucco, le 13 juillet dernier á AnkaraImage : AP

Mais la naissance du projet n’est pas facile, en particulier en raison des difficultés de négociations entre la Turquie et la Commission européenne qui soutient ce projet. La Turquie, qui sera un pays de transit, voulait pouvoir prélever 15% du débit du gazoduc. Impossible a répondu Bruxelles. Ankara a donc renoncé mais a obtenu en échange de bénéficier d’importants dividendes fiscaux sur ce gazoduc de 3300 kilomètres de long dont 2000 kilomètres passeront sur le territoire turc. Ankara espère ainsi recueillir 400 à 500 millions d’euros des revenus annuels des taxes de transit. A ce prix là, la Turquie accueille donc ce projet de manière positive on s’en doute. D’autant plus que sa participation est aussi un outil de négociation dans le cadre du long et compliqué processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Ankara se présentant une nouvelle fois comme un lien stratégique entre l’Orient et l’Occident. « La Turquie veut renforcer sa position dans la région et tirer bénéfice de sa position géographique », explique Fulya Libey, experte sur les questions d’énergie au Moyen-Orient. « Car la Turquie se présente comme un pont énergétique entre les consommateurs de gaz et les producteurs. Les industriels turcs et les Turcs en général seraient très heureux de voir le projet se réaliser. »

Huit milliards d’euros

Plan du gazoduc Nabucco
Plan du gazoduc NabuccoImage : AP Graphics

Mais il y a un autre problème évident et il est de taille puisqu’il concerne le financement du projet. Nabucco, qui pourrait livrer quelques 30 milliards de mètres cubes de gaz chaque année à l’Europe, devrait coûter pour sa construction et sa mise en service près de huit milliards d’euros. La Commission européenne a d’ores et déjà prévu de participer à hauteur de 250 millions d’euros. Ce qui signifie que ce sont les pays partenaires du projet qui devront assurer le financement. Sur la base de partenariats publics privés et grâce au soutien de prêts qui seront accordés notamment par la Banque européenne d’investissement.

Enfin, l’enjeu est à ce point gigantesque que dans chaque camp, on s’arrache les anciennes vedettes de la politique européenne pour promouvoir son projet. Il faut ainsi rappeler que Gazprom, le géant russe du gaz, a embauché en 2006 l’ancien chancelier allemand Gerard Schröder. Celui-ci préside ainsi le conseil de surveillance du consortium chargé de la construction du gazoduc germano-russe Nordstream qui a pour ambition d’alimenter l’Europe en passant sous la mer Baltique. C’est donc un projet directement qui fait directement concurrence à Nabucco.

Chamaillerie allemande

Reinhard Mitschek, directeur de la société qui gère Nabucco
Reinhard Mitschek, directeur de la société qui gère NabuccoImage : picture-alliance/ dpa

En réaction, le consortium qui pilote Nabucco s’est offert pour sa part les services de Joshka Fischer, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Gerhard Schröder. Joshka Fischer se serait ainsi vu offrir une coquette somme pour son recrutement par l’électricien allemand RWE et le groupe gazier autrichien OMV, tous deux membres du projet Nabucco. « Je pense que grâce à une telle personnalité, le projet Nabucco se retrouve automatiquement au centre d’un intérêt médiatique », a commenté le ministre autrichien des Affaires étrangères, Michael Spindelegger. « Et cela est positif. Pendant longtemps, on s’est demandé si du côté allemand il fallait ou non se prononcer pour ce projet. L’arrivée de Joshka Fischer nous a beaucoup aidé en ce sens. »

La bataille des gazoducs en Europe s’est donc transformée en une chamaillerie allemande. Mais derrière ces rivalités humaines, l’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’assurer à terme l’indépendance énergétique de l’Europe. Un thème que Bruxelles souhaite mettre tout en haut de son agenda ces prochains mois.

Quel gaz pour Nabucco ?

Le dernier – et sans doute principal – problème de Nabucco est que personne ne sait encore vraiment quel gaz on va mettre dans ce gazoduc. Jusqu’à présent, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan ont manifesté leur accord. Mais ce ne sera pas suffisant et d’autres pays sont courtisés comme l’Iran et l’Irak. Ce projet est donc finalement très politique car il est voulu par Bruxelles, à tel point que sa faisabilité et aussi sa rentabilité sont aujourd’hui sujettes à caution.

Les explications de Régis Gente en Géorgie.

Nord Stream provoque la colère de ses voisins
Le Premier ministre russe Vladimir Poutine et l'ancien chancelier allemand Gerard Schröder,
Le Premier ministre russe Vladimir Poutine et l'ancien chancelier allemand Gerard Schröder,Image : RIA Novosti

Enfin, la région de la mer Baltique se déchire autour du projet Nord Stream : un consortium composé du géant russe Gazprom, du numéro un de l’énergie allemand Eon et du leader mondial de la chimie BASF. Nord Stream prépare aussi la construction d’un immense gazoduc. Long de 1200 km, l’ouvrage reliera le port de Viborg en Russie, à Greifswald en Allemagne, en longeant les côtes de la Finlande, de la Suède et du Danemark. Une fois achevé, il permettra d’acheminer 55 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an vers l’Europe. Coût du projet : 7,5 milliards d’euros.

Mais avant que les travaux débutent, au printemps 2010, Nord Stream devra d’abord obtenir l’accord de Stockholm, Helsinki et Copenhague, dont les zones économiques seront traversées par le gazoduc. Le problème est que les trois pays, la Suède en tête, hésitent à donner leur feu vert. Dans chacun d’entre eux, les opposants au projet sont nombreux.

Les explications depuis Stockholm de Anne Francoise Hivert.