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Italie : Trieste, un havre de paix caféiné

Kate Hairsine (Juillet 2007)

L’Italie toute entière est renommée pour son café... mais s’il y a une ville italienne où l’on est particulièrement fier de cette longue tradition, c’est bien Trieste.

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Le port de Trieste, plus gros importateur de café de toute la Méditerranée
Le port de Trieste, plus gros importateur de café de toute la MéditerranéeImage : PA/Bildagentur Huber

Située au Nord-Est de l’Italie, au carrefour des cultures méditerranéenne, slave et germanique, la ville de Trieste possède le premier port de toute la Méditerranée pour l’importation du café. De l’importation à la dégustation, toutes les étapes de l’industrie du café y sont représentées.

Dans les cafés de Trieste, on ne commande pas simplement „un café“ : les amateurs n‘ont que l’embarras du choix entre “nero“ (noir), „goccia“ (goutte), „capo“ (capuccino), „deca“ (décaféiné), „capo deca in bi“ (capuccino décafeiné servi dans un verre), „con o senza schiuma” (avec ou sans mousse)...

Trieste, porte sur l'Europe slave et germanophone

Trieste, le plus grand port d'importation du café en Europe
Trieste, le plus grand port d'importation du café en EuropeImage : AP GraphicsBank/DW

La ville portuaire de Trieste, au Nord-est de l’Italie, est nichée au pied des falaises calcaires abruptes, au bord du large golfe qui ouvre sur l’Adriatique. Au coeur de la ville, d’élégants immeubles du 19ème siècle bordent les jetées du Porto Vecchio, le vieux port. C’est à cet endroit qu’au 18ème siècle, les premiers commerçants amarraient leurs bateaux à voile chargés de grains de café en provenance d’Afrique du Nord, du Brésil ou du Moyen-Orient.

A l’époque, Trieste appartenait à l’empire austro-hongrois. C’était dèjà l’un des principaux ports autrichiens. Et lorsque les Viennois furent incapables de se passer de caféine, le café devint l’une des principales denrées importées à Trieste.

Aujourd’hui encore, l’air du port est imprégné par l’odeur du café. Sac après sac, les dockers déchargent les grains de café verts qui seront ensuite acheminés vers les centaines de hangars du Porto Nuovo, le nouveau port.

Plus de 40 % du café de toute l’Italie transite par le port de Trieste, explique Max Fabian, Président de l’Association de Café de Trieste :"Trieste est le principal port d’importation de café de la Méditerrannée et l‘un des plus importants en l’Europe dans ce domaine. A Trieste, nous stockons en permanence 1 à 1,5 millions de sacs de café. Chaque année, ce sont environ 2 à 2,5 millions de sacs qui sont importés par le port de Trieste."

Les quantités considérables de café qui transitent par le port ont fait de la région de Trieste une véritable plaque-tournante de l’industrie du café. Toutes les étapes de la fabrication du café y sont réalisées.

La chaîne de fabrication passée au peigne fin

Les grains de café sont passés au peigne fin.
Les grains de café sont passés au peigne fin.Image : Bilderbox

La première de ces étapes se déroule dans le port même. L’entreprise Pacorini, basée à Trieste, s’occupe principalement de logistique. Mais elle est aussi chargée de nettoyer, de trier et de contrôler la qualité des grains de café verts qu’elle achemine ensuite auprès des torréfacteurs et des négociants.

"Notre rôle consiste à trouver les défauts, s’il y en a. Si le café est bon, nous réalisons une fiche avec les caractéristiques du café en question et nous l’envoyons au client", explique Sergio Vatta, l'un des contrôleurs qualité des laboratoires de l’entreprise Pacorini, situés dans le port de Trieste même. Son travail : analyser des dizaines d’échantilons de grains de café vert.

"Ensuite, la café va être torréfié et moulu. Pour la mouture, il faut tenir compte de la couleur et de l’origine du café. Il faut moudre les grains d’une façon bien particulière pour obtenir un bon résultat lors de l’extraction", ajoute-t-il.

Sergio Vatta pose les deux espressos tout juste préparés sur la table de contrôle. Là, il aspire le café d’un seul coup, avant de le recracher dans un crachoir en plastique qui rappelle un peu ceux qu’utilisent les dentistes.

Après que les grains verts ont été testés, triés et contrôlés dans le port, il leur faut encore passer par une étape essentielle avant de pouvoir être consommés sous forme de café : la torréfaction. Ce ne sont pas les torréfacteurs qui manquent à Trieste et dans la région. On y trouve de tout, de la marque la plus connue, ILLY, à des compagnies plus petites, comme Hausbrandt.

Dans l’atelier de torréfaction de San Giusto, le propriétaire, Marino Petronio, désigne du doigt les sacs de café venus d’Inde, du Brésil, du Vietnam et du Guatemala qu’il utilise pour ses mélanges : "Aucun café ne peut être consommé pur, c’est pour cela que les torréfacteurs mélangent le café. Autrement, un grain amer ne vous donnerait qu’un café amer. Ou bien vous pourrez avoir un café qui sentira très bon, mais sans aucune qualité gustative. Mais si vous savez allier toutes ces qualités individuelles, le tout sera meilleur que la somme des parties."

Trieste premier exportateur... ou consommateur de café?

Même les petites entreprises de Trieste sont présentes sur la scène internationale. Justement, le mélange de café qui se trouve dans le torréfacteur est destiné à un établissement de Serbie. San Giusto vend une bonne partie de son café aux pays d’ex-Yougoslavie.

De l‘avis de Petronio, le fait que l’atelier de torréfaction soit situé à Trieste a son importance :"Dans l’ex-Yougoslavie, les gens sont particulièrement attachés au café italien, et en particulier à celui de Trieste, parce que Trieste est mondialement renommée pour son café."

Mais la tradition du café à Trieste ne se limite pas à des processus industriels savamment élaborés. A Trieste, on sait aussi apprécier à sa juste valeur le précieux breuvage. Les habitants de Trieste en boivent deux fois plus que l’Italien moyen, soit environ 10 kilos par an et par personne! Et bien que de nombreux étalblissements de la ville proposent des cafés à emporter, Trieste a une particularité unique en Italie : ses élégants cafés à la mode de Vienne.

San Marco, une renommée mondiale

Un "café en B", comme bicchiere.
Un "café en B", comme bicchiere.Image : Kate Hairsine

Lumière tamisée et boiseries anciennes, nous sommes à l’intérieur du Café San Marco. Un havre de paix, qui contraste avec le bruit assourdissant de la ville. Le Café San Marco est l’un des cinq cafés historiques qui subsistent à Trieste. Il n’a guère changé depuis l’époque où il était fréquenté par d‘illustres personnalités littéraires, telles que James Joyce, Italo Svevo et Umberto Saba...

Franco Fellipi est depuis 10 ans propriétaire du Café San Marco. Il me prépare un "café en B", un espresso servi dans un petit verre ("bicchiere" en italien), une particularité de Trieste : "Le verre – il nous reste encore à découvrir qui a apporté cette tradition à Trieste. Certains disent que ce sont les Turcs, mais cela pourrait aussi être les Juifs. Il y a eu des Juifs ici depuis le 18ème siècle, nous avons la plus grande synagogue d’Europe ici, et les Juifs boivent traditionnellement leur café dans un verre."